Dans cette chronique dédiée au tourisme durable, notre autrice Vicky décompose les efforts environnementaux des différents acteurs de l’industrie touristique et scrute leur véritable impact. Des analyses plus que nécessaires en ces temps cruciaux.
Avec l’afflux de touristes qui s’amorce, il semble que certains des plus beaux sites de France devront payer la dette engendrée par la Covid-19. La reprise du tourisme, oui, mais à quel prix ?
Depuis plus d’un an, on nous chante les louanges de la France en tant que destination touristique à privilégier. Tantôt on acclame la douceur du climat méditerranéen, tantôt on fait valoir le repos que promet un séjour à la montagne. Certes, la France est un pays à vocation touristique, mais cela ne signifie pas que toutes les régions sont prêtes à accueillir un important afflux de visiteurs. La surmédiatisation de la destination France pourrait avoir d’importants méfaits sur l’environnement.
« La nature reprend ses droits »
Il y a un peu plus d’un an, alors que le monde s’immobilisait, on se réjouissait de l’arrivée d’une poignée de dauphins dans le port de Cagliari, en Sardaigne. « La nature reprend ses droits », pouvait-on lire dans de nombreux journaux à travers le monde. Cet étonnant événement en avait renversé plus d’un, faisant ainsi de tourisme durable le nouveau mot à la mode.
Au fil des mois ayant suivi l’immobilisation de la planète, de nombreuses études ont en effet dévoilé que le tourisme durable est maintenant l’une des tendances les plus importantes dans l’univers des voyages. Les voyageurs ont une conscience écologique de plus en plus forte. Ils veulent maintenant se tourner vers des entreprises ayant développé des stratégies de développement durable et ils ne veulent plus voyager aussi loin qu’ils le faisaient.
Les destinations isolées et les lieux peu fréquentés privilégiés
Dans un sondage réalisé par Alliance France Tourisme, 69 % des personnes interrogées ont déclaré qu’elles passeraient leurs vacances en France cet été. Parmi ces gens, plus de la moitié d’entre eux vont privilégier les lieux peu fréquentés et les destinations isolées, comme la campagne ou la montagne. Les stations de montagne ont vu « leur activité prévisionnelle bondir pour l’été 2021 », selon l’Association nationale des maires des stations de montagne (ANMSM).
« La dynamique de réservation engagée confirme l’attractivité des modes de vacances autour de la nature, du bien-être et des activités très variées. Encore plus qu’en 2020, la montagne est une valeur refuge pour les Français. »
Jean-Luc Boch, le président de l’ANMSM
Malheureusement, ce tourisme franco-français concentré sur les mois de juillet et août risque d’entraîner une surfréquentation de certains lieux. La surmédiatisation de la France comme destination où voyager pourrait ainsi avoir d’importants méfaits écologiques et sociaux.
Certes, le tourisme est d’une importance primordiale pour l’économie française. Après les longs mois d’agonie qu’ont vécus les acteurs de l’industrie touristique de France, il est tout à fait honorable d’inciter les Français à rester au pays pendant l’été. Il serait néanmoins tout aussi honorable de mettre en place des mesures permettant d’atténuer les effets du tourisme de masse et de protéger les sites écologiques d’une fréquentation trop importante.
Conseiller de choisir la France pour les vacances ne peut pas se limiter à une simple allocution du Président de la République. Il doit y avoir un plan d’action et l’environnement se doit d’être au cœur de celui-ci.
Des outils utiles ?
Certaines régions ont décidé de ne pas attendre le gouvernement et d’aller de l’avant dans la mise en place de mesures visant à mieux gérer les afflux de touristes. C’est entre autres le cas de la Région Sud et du Comité Régional de Tourisme Provence-Alpes-Côte d’Azur (CRT), qui ont déployé plusieurs outils afin de mieux gérer les pics d’affluence lors de la saison estivale.
Depuis fin 2019, le CRT et Waze, une application de navigation GPS, ont entre autres décidé de collaborer pour proposer aux automobilistes des sites alternatifs lors d’une fréquentation trop importante.
L’été dernier, quatre sites ont été choisis dans les Parcs naturels régionaux du Luberon et du Verdon pour expérimenter ce dispositif : le sentier des ocres à Roussillon, le Colorado provençal à Rustrel, le sentier Blanc Martel et la plage Saint-Julien au bord du lac d’Esparron. Victime de son succès, huit nouveaux sites ont récemment rejoint le dispositif : les Parcs nationaux des Calanques, des Écrins, du Mercantour et de Port-Cros ainsi que les Parcs naturels régionaux des Alpilles, des Préalpes d’Azur, de la Sainte-Baume et du Verdon.
Il ne reste maintenant plus qu’à espérer que cet outil bénéficiera d’autant de visibilité que les campagnes qui incitent les Français à passer leurs vacances au pays et que le dispositif sera ultérieurement utilisé à grande échelle, et non pas seulement en région PACA.
La reprise du tourisme, en bref
Beaucoup doivent se réjouir de la reprise du tourisme qui s’amorce, moi la première. Malheureusement, on ne doit pas oublier que le tourisme de masse pourrait avoir d’importants méfaits sur certains des plus beaux sites de France, victimes de leur popularité. Il est tout à fait honorable d’inciter les Français à rester au pays afin d’aider à relancer une industrie durement touchée par la crise sanitaire, mais il ne faudrait pas oublier l’importance de la mise en place de mesures visant à protéger l’environnement contre le tourisme de masse. L’initiative développée par le CRT est d’ailleurs à saluer, mais sera-t-elle suffisante pour protéger certains sites de l’afflux de visiteurs ?