D’une modestie sans pareil, le chef étoilé Lionel Levy nous parle de son amour pour la cuisine et la cité phocéenne le temps d’une brève — mais riche — rencontre.
Il peut parfois être laborieux de saisir les émotions de son interlocuteur lors d’un échange téléphonique. Pourtant, malgré les combinés qui nous séparaient, il ne m’aura fallu que quelques minutes pour saisir l’ampleur de la passion de Lionel Levy, chef étoilé à la tête des restaurants de l’InterContinental Marseille – Hotel Dieu, pour l’art de la bonne chère. Célébrant la Provence depuis les cuisines de l’un des hôtels les plus emblématiques de Marseille, il se fait un point d’honneur à réinventer les classiques de la cuisine provençale et à la mettre de l’avant. Rencontre.
Une cuisine d’auteur
« C’est assez délicat de définir soi-même sa cuisine. C’est plutôt à ceux qui la découvrent d’en avoir un ressenti », s’exclame Lionel Levy, en toute modestie, alors que je lui demande comment il caractériserait sa cuisine. Pourtant, le chef a un parcours à faire rougir. Après avoir travaillé pour quelques-uns des plus grands noms de la cuisine à Paris, de Éric Fréchon à Alain Ducasse, Lionel Levy faisait ses valises et se rendait à Marseille afin d’y fonder son propre restaurant. Alors à peine âgé de 26 ans, le chef ne manquait pas d’audace. « Il y avait un local abandonné sur le Vieux-Port, en face de la bonne mère, et j’ai tout simplement décidé d’y ouvrir mon premier restaurant », m’explique-t-il alors qu’il me parle de son riche parcours.
Cinq ans plus tard, il remportait sa première étoile Michelin. Une première distinction qui allait influencer les années qui suivraient. Car en 2013, l’InterContinental Marseille – Hotel Dieu — qui s’apprêtait alors à ouvrir ses portes — le contacta afin de lui demander de prendre les commandes des cuisines. Défi qu’il accepta… Et qu’il releva avec brio. À peine quelques mois après l’ouverture d’Alcyone, le restaurant gastronomique de l’hôtel, il décrocha une autre étoile Michelin. « On était assez fiers », me dit-il en riant timidement.
Célébrant son dixième anniversaire aux commandes des cuisines de l’InterContinental Marseille – Hotel Dieu, le chef n’a pas perdu sa passion. « Mon terroir, c’est la Méditerranée et la Provence, s’enthousiasme-t-il en parlant de ses inspirations. Comme Marseille est un port, il y a beaucoup d’influences méditerranéennes. Épices, huiles, agrumes… Le terrain de jeu est vaste ! » Le chef s’efforce ainsi de retravailler les classiques de la cuisine provençale et marseillaise. Son plat de prédilection ? Le milkshake de bouillabaisse en entrée. « Je ne peux absolument pas l’enlever de la carte du restaurant gastronomique. On me le demande sans cesse ! », explique-t-il.
Pourtant, les critiques ne semblent pas lui faire peur. « C’est important que la cuisine ressemble à celui qui l’a fait », continue-t-il en expliquant que sa cuisine, qu’il décrirait comme une cuisine d’auteur, n’est pas nécessairement passe-partout. « On ne peut pas plaire à tout le monde. Lorsqu’on plait à tout le monde, on devient banal et inutile. » Mais difficile de croire que sa cuisine ne satisfait pas tous les palais. Des ingrédients locaux, de l’ail, « beaucoup d’ail ! », mille et une saveurs. Je n’ai qu’à l’entendre décrire les plats qui lui sont chers pour en avoir l’eau à la bouche.
La gastronomie phocéenne à l’avant plan
Pourquoi Marseille ? Parce que « c’est un melting pot, un mélange de cultures », détaille le chef alors qu’il me parle de son amour pour la cité phocéenne. Pourtant, malgré la richesse du terroir, Marseille ne se hisse que rarement au sommet des villes qui nous viennent en tête lorsqu’on parle gastronomique française. Lorsque la cité phocéenne a été nommée capitale européenne de la culture en 2013, Lionel Levy m’explique que les chefs de la région ont été complètement oubliés. « Je me souviens notamment d’une réunion pendant laquelle les autorités locales faisaient appel à des chefs de Lyon, de Paris et de Lille, me confie-t-il. Elles avaient complètement oublié qu’il y avait des chefs dans la région, du savoir-faire à Marseille. »
C’est donc dans cette optique et « afin de se révolter » que le chef a fondé, en 2012, l’association Gourméditerranée, qui regroupe aujourd’hui 70 membres. Chefs indépendants, pâtissiers, producteurs, fromagers, boulangers… Tous y sont réunis afin de célébrer la cuisine méditerranéenne et de faire un important contrepoids aux chefs des autres régions françaises. « C’est important de mettre le département de l’avant ! », dit-il en vantant les mérites des producteurs et artisans locaux.
Proposant une cuisine qui respecte les saisons, il est primordial pour Lionel Levy « d’être en phase avec les récoltes, les pêches et les élevages. » C’est donc pour cette raison qu’il travaille avec les pêcheurs du port ainsi qu’une multitude de petits producteurs. Tous les ingrédients qui composent ses plats proviennent de la région. « C’est mon leitmotiv », conclut-il avec fierté.
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