Vicky n’avait aucune idée dans quoi elle se lançait en achetant ses billets d’avion pour Majorque au début de l’été, alors qu’aucun avertissement concernant l’Espagne n’avait encore été émis. Elle raconte son histoire et nous parle de ses impressions sur son séjour dans une zone à risque.
Comme plusieurs autres passionnés de voyage, je me tourne un peu les pouces depuis le mois de mars. Bon, j’ai certes la chances d’écrire quotidiennement pour un site d’information qui ne traite que de nouvelles reliées à l’industrie du tourisme, alors je n’ai pas trop à me plaindre, mais écrire sur une destination, ce n’est pas la même chose que de la vivre.
Lorsque les frontières de l’Europe ont rouvert à la fin du printemps, je n’ai pas tardé à regarder quelles étaient les options qui s’offraient à moi. La Turquie ? Mmm, trop loin. La Pologne ? Trop près. La Scandinavie ? Trop de restrictions. Mon choix s’est par conséquent arrêté sur la destination estivale par excellence : Majorque, en Espagne.
Ayant passé l’été dernier sur cette île des Baléares, je me suis fait plusieurs amis majorquins. Alors que j’hésitais entre céder à mon envie de m’envoler pour une destination chaude ou voyager à travers l’Allemagne en voiture, je me suis finalement laissée convaincre par leur : « Il n’y a presque aucun cas sur l’île ! » et « Il n’y a plus personne ici, tu seras en sécurité. »
Il ne m’en fallait pas plus pour réserver un billet d’avion pour Majorque. Depuis l’Allemagne, les billets étaient ridiculement peu chers. Que pouvais-je espérer de plus ?
L’Espagne devenue « zone rouge »
J’étais impatiente d’enfin prendre l’avion à nouveau… Jusqu’à ce que je reçoive une notification sur mon téléphone. Celle-ci mentionnait que l’Allemagne venait de placer l’Espagne sur sa liste rouge. Qu’allais-je faire ?
Je me suis mise à éplucher tous les sites gouvernementaux. Qu’est-ce que cela signifiait vraiment ? Quels étaient les risques ? Étais-je contrainte d’annuler mon billet d’avion ? J’avais besoin de réponses.
Après avoir passé plusieurs heures les yeux rivés sur mon écran, j’ai compris que cette nouvelle mention obligeait entre autres les passagers à réaliser un test PCR à leur retour en Allemagne et à s’isoler en attendant les résultats.
Heureusement, l’Allemagne est en avance sur plusieurs autres pays en ce qui concerne la lutte contre le coronavirus et les tests PCR sont facilement accessibles. Depuis cet été, un centre de tests a entre autres été installé à l’aéroport Berlin-Tegel, où il est possible de se faire tester gratuitement lorsqu’on revient d’une zone à risque.
Au vu de ces nouvelles informations, j’ai décidé de conserver mon plan initial et de m’envoler pour Majorque, sachant que je n’aurais qu’à me faire tester une fois mon retour à l’aéroport et à m’isoler pendant 48 heures au maximum, en attendant mes résultats.
Qui plus est, je savais que je ne serais pas constamment entourée de gens, puisque je voyageais seule avec une amie. Le risque de contracter quoi que ce soit était donc plutôt faible, ou du moins pas bien plus élevé que lorsque je prends les transports en commun dans mon quotidien.
Plus de peur que de mal
Lorsque l’avion a foulé le tarmac, je sentais le nœud dans mon estomac. Qu’est-ce que l’île me réservait, cette fois ?
Aussitôt atterrie, la vingtaine de passagers est descendue de l’avion. Alors que je mourrais d’envie d’enfin retirer mon masque, il en était impossible.
Sur l’île, il est non seulement obligatoire de porter un masque dans tous les espaces publics, mais également à l’extérieur ainsi que dans la voiture lorsque plusieurs personnes voyagent ensemble. Il faut également en porter un sur la plage lorsque nous quittons notre serviette.
Après être sortis de l’avion, nous avons marché plus d’une quinzaine de minutes pour arriver à la station d’enregistrement nouvellement installée au sein de l’aéroport, où il faut donner ses informations au gouvernement espagnol. Avant d’arriver en Espagne, il est important de s’enregistrer en ligne sur le site de Spain Travel Health pour obtenir un code QR qui contient toutes nos informations personnelles. Ce code QR, il est aussi précieux qu’une mine d’or ; c’est ce qui permet aux voyageurs de franchir les frontières et sortir de l’aéroport.
Enfin, c’est ce que je croyais. Ce qui m’a particulièrement sidéré ici, c’est à quel point tous les employés étaient nonchalants. En ligne, il est écrit à maintes reprises que les passagers risquent une contravention s’ils prennent l’avion sans n’avoir le code QR en leur possession. Toutefois, à l’aéroport, il est possible de remplir un document qui remplace le code QR. Plus de peur que de mal.
En vérité, je n’étais pas particulièrement surprise. Après avoir voyagé à quelques reprises au cours des derniers mois, j’ai réalisé que la réalité est souvent bien moins stricte que le sont les messages préalablement véhiculés par les différents gouvernements.
Des rues désertes
J’ai montré mon code QR, puis j’ai pu franchir les frontières. J’étais à Majorque. Enfin.
Un ami m’a récupéré à l’aéroport et nous nous sommes rendus à l’espace de coliving que j’avais réservé, bedndesk. Il s’agit d’une maison où il est possible de dormir et travailler à la fois. À l’étage, il y a les chambres, puis au rez-de-chaussé, il y a le bureau. En temps normal, l’endroit peut accueillir jusqu’à six personnes, mais nous n’étions que quatre.
Matias, le propriétaire, m’a confié qu’il avait dû apprendre à être flexible avec les voyageurs en raison des nombreuses annulations enregistrées pendant l’été.
« Les mesures de quatorzaine obligatoire imposées par le Royaume-Uni pour tous les voyageurs provenant de l’Espagne a été le coup le plus difficile que Majorque ait eu à encaisser », m’a-t-il mentionné.
À l’intérieur de la maison, nous n’avions pas à porter le masque, mais dès que nous franchissions le seuil de la porte, nous devions le porter.
Dès qu’on quittait la maison, le monde semblait sur pause. Il n’y avait personne dans les rues. La majorité des commerces étaient fermés et les quelques terrasses ouvertes étaient désertes. Majorque n’avait plus rien à voir avec l’île que j’avais visité l’an dernier. De nombreux restaurants que je me tardais de réessayer avaient d’ailleurs fermé leurs portes pour la saison.
Même les plages étaient complètement vides. Il n’y avait que quelques familles, alors qu’elles sont habituellement surpeuplées de fêtards. Mathias m’a d’ailleurs confié que les Majorquins avaient appris à redécouvrir les lieux qui étaient autrefois peuplés de touristes.
Des plages… Vides
Afin de partir à la découverte de l’île, nous avions loué une voiture. Après avoir parcouru des dizaines de kilomètres, le constat restait le même : l’île était complètement vide. Nous avons donc pu visiter de nombreuses plages qui, auparavant, étaient pleines de gens, mais qui, cette année, étaient laissées pour morte.
Une seule plage que nous avons visitée pendant notre séjour a fait exception à la règle : Caló del Moro. Elle était pleine à craquer. En réalité, ce n’est pas vraiment surprenant, puisqu’il s’agit de l’un des endroits sur l’île où l’eau est la plus cristalline.
Alors qu’il y avait une indication à l’entrée de la plage mentionnant qu’il était important de respecter les mesures de distanciation, il était clair que personne ne les respectait. Puisque la plage est plutôt restreinte, il était tout simplement impossible de respecter les mesures de distanciation. Et personne ne portait de masque.
Après avoir réalisé qu’il serait impossible de trouver un coin à nous, nous avons fait demi-tour pour nous rendre à l’un de mes endroits préférés sur l’île : Ses Salines. En temps normal, la plage est remplie de chaises et on doit marcher sur pluieurs kilomètres afin de trouver un coin reculé. Cette fois-ci, inutile de mentionner que nous n’avons pas eu besoin de marcher, car la plage était vide.
Nous avons ainsi pu profiter de l’une des plus belles plages de l’île en toute sérénité et attendre que le soleil se couche sur les montagnes. Je me souviendrai longtemps de ce moment unique.
Mes vacances à Majorque en bref
Alors que j’ai longtemps hésité à monter dans cet avion en direction de Majorque, je ne regrette aujourd’hui pas du tout ma décision. Bien entendu, bien qu’il soit particulièrement plaisant d’avoir une île pour soi, je ne recommande pas nécessairement de voyager dans les zones à risque, puisque ce sont ces déplacements qui peuvent contribuer à la propagation du coronavirus. Chacun est toutefois libre de prendre sa propre décision en ce qui concerne ses va-et-vient.
Après avoir discuté avec les gens de l’île qui vivent du tourisme, j’ai cependant compris que ce sont les quelques touristes aventureux qui se sont rendus à Majorque cet été qui ont fait en sorte de contribuer à l’économie déjà fragile de cette île paradisiaque, au plus grand bonheur des commerçants du coin. J’espère de tout cœur que tous les acteurs de l’industrie du tourisme auront les reins assez solides pour survivre aux prochains mois qui, malheureusement, ne s’avèrent pas faciles.