Dans cette chronique dédiée au tourisme durable, notre auteur Vicky décompose les efforts environnementaux des différents acteurs de l’industrie touristique et scrute leur véritable impact. Des analyses plus que nécessaires en ces temps cruciaux.
Alors que l’on traverse une période d’incertitude, où l’efficacité des systèmes politiques est mise à rude épreuve et où l’inefficacité de nos systèmes de santés est dévoilé au grand jour, un autre sujet divise la France : le projet de loi Climat et résilience.
Voulant « changer le modèle français et à accélérer l’évolution des mentalités », le projet de loi Climat et résilience, présentement étudié à l’Assemblée nationale, soulève des avis critiques qui ne se limitent pas au milieu écologiste. Associations, responsables politiques et instances diverses, tous critiquent ses ambitions. « Le projet de loi est trop limité », crie-t-on d’un côté. « Ces objectifs sont impossibles à atteindre », crie-t-on de l’autre. De toutes parts, les avis divergent et divisent la France plus que jamais. Mais la division est-elle la meilleure solution ?
Le projet de loi
Le projet de loi Climat et résilience est à l’étude à l’Assemblée nationale depuis le 29 mars dernier. Le sujet est toutefois revenu sur la table cette semaine, car ce n’est que ce week-end qu’a été voté en première lecture l’article 38 sur la compensation carbone des émissions des vols intérieurs. Cet article s’inscrit dans le titre III du projet de loi, sous le chapitre IV, l’objectif de ce chapitre étant de « limiter la croissance des émissions du trafic aérien pour respecter les objectifs fixés par la stratégie nationale [de] la neutralité carbone. » Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ?
Le chapitre compte quatre articles qui prévoient, pour toutes les compagnies aériennes, une compensation obligatoire de leurs émissions des vols intérieurs métropolitains, ainsi que sur une base volontaire pour les vols de et vers l’outre-mer. Ils prévoient également l’interdiction de l’exploitation de services aériens sur des liaisons intérieures au territoire national, dès lors qu’un trajet alternatif, par un autre moyen de transport collectif, existe en moins de 2 h 30. Enfin, ils veulent limiter l’extension d’aéroports en vue de l’augmentation de leurs capacités et interdire la création de nouveaux aéroports.
De nombreuses voix s’élèvent
Bien entendu, ce projet de loi ne fait pas l’unanimité. Peu de temps a suffi après sa publication pour que de nombreuses voix du secteur aéronautique s’élèvent. Le Syndicat des compagnies aériennes autonomes (SCARA) a dénoncé « des mesures discriminatoires, inefficaces et incohérentes. » Celui-ci se plaint qu’en ajoutant de nouvelles taxes, la compensation totale acquittée par le transport aérien pourrait dépasser 100 % du CO₂ qu’il émet.
« Le SCARA a réaffirmé partager les objectifs de la Convention Citoyenne pour le Climat et approuver la recherche de la neutralité carbone pour le transport aérien et pour l’ensemble des modes de transport. Mais il analyse que les mesures envisagées sont discriminatoires, inefficaces pour atteindre les objectifs environnementaux fixés et incohérentes. »
Le SCARA dans un communiqué de presse
L’Union des Aéroports Français (UAF) n’a pas non plus mâché ses mots en critiquant l’article 37 du projet de loi, soit celui qui limite les aéroports à consommer de nouvelles surfaces.
« Cette mesure repose sur l’illusion française de la décroissance imposée du transport aérien pour réduire les émissions de CO2. Elle n’aura pour seul effet qu’obérer le développement économique des territoires sans aucun gain pour la lutte contre le changement climatique, puisque le développement du trafic se déportera par effet de ricochet hors de France. »
L’UAF dans un communiqué de presse
De l’autre côté de la médaille, l’UFC-Que Choisit a publié une étude exclusive sur les impacts économiques et environnementaux de la mesure visant à supprimer les lignes intérieures dès lors qu’une alternative de moins de 2 h 30 existe en train, mettant « au jour son échec annoncé », rappelant que la Convention citoyenne pour le Climat avait initialement proposé d’interdire les vols intérieurs s’il existe une alternative en train de moins de 4 heures.
Enfin, c’est près de 110 000 personnes qui ont marché le 28 mars dernier contre le projet de loi, celui-ci n’étant simplement pas à la hauteur des enjeux climatiques.
Un sujet qui divise, en bref
Lorsqu’on prend le côté des acteurs de l’industrie aéronautique, on nous décrie qu’on ne prend pas l’environnement à cœur. Lorsqu’on prend le côté des écologistes, en revanche, on doit jurer sur notre âme de ne plus jamais prendre l’avion. C’est un sujet épineux pour les voyageurs.
Comme disait Lévi-Strauss à la fin de son étude approfondie sur les diverses figures des sociétés primitives, « le passage de l’état de Nature à l’état de Culture se définit par l’aptitude de la part de l’homme à penser les relations biologiques sous la forme de systèmes d’opposition : la dualité, l’alternance, l’opposition constituent […] les données fondamentales immédiates de la réalité sociale. » Et c’est on ne peut plus vrai aujourd’hui. Entre les experts politiques, qui parlent en chiffres et en objectifs, et les industries, qui, désespérés de se faire entendre, tentent d’expliquer la situation précaire dans laquelle elles se trouvent, le combat écologique semble perdu d’avance.